Jeff Tatard - Pourquoi court-on ?
Pourquoi court-on ?
Ne vous y méprenez pas. Même si le running contamine de plus en plus de pratiquants, courir ne fait pas rêver tout le monde. Alors pourquoi ceux qui s’y essaient finissent souvent et aussi rapidement par l’apprécier ? Pourquoi vous aimez autant courir ? La fuite ? Le plaisir de souffrir ? Le dépassement de soi ? L’accomplissement ? L’introspection ? Les paysages ? Les rencontres ? Le partage ? C’est quoi qui vous tient ?
Par Jean-François Tatard – Photos : Jeff TATARD
« Je cours après quelque chose que je n’arrive jamais à rejoindre. C’est ça qui me donne envie d’y retourner. C’est une énigme. Et c’est important de reconnaître que c’est une énigme profonde. Parce qu’on ne peut pas dire qu’on court après un type de plaisir. Le plaisir c’est tout simplement courir. Et si je savais vraiment après quoi je cours, peut-être que, tout simplement, j’arrêterais ».
Le Néant
À un certain moment quand on court, on est au bord de quelque chose comme le néant. Ce n’est même pas la mort, mais c’est une expérience très troublante du rien. Les coureurs qui pratiquent l’ultra relatent souvent ce même phénomène : quand la distance s’allonge et que le temps passé à courir dure, il y a un moment où l’énergie qu’on a en soi n’existe plus. Quand on prend le départ, on est optimiste et une partie de soi a la conviction qu’il va être champion du monde ou qu’il va gravir l’Everest. Que rien ne peut nous arriver. On pense qu’on pourra disposer de son corps, qu’on pourra faire appel avec confiance à sa seule volonté. Et puis cette provision disparaît progressivement. Courir c’est prendre conscience de son corps. Courir nous renvoie à ce que nous sommes. Courir c’est apprendre à vivre avec soi-même. Courir, en fait, c’est ce que vous voulez mais c’est quelque chose qui rend heureux.
Explications…
«Je ne sais pas comment tu fais ? Je ne comprends pas comment tu peux aimer courir ? »
Quel runner n’a jamais entendu un proche lui asséner cette phrase ? Et pourtant… Si les amateurs de running continuent la course à pied et y trouvent toujours autant de plaisir, ce n’est pas par masochisme. La raison est à chercher dans des explications bien plus physiologiques et psychologiques.
Il anime également des conférences où il y aborde notamment des thématiques comme la gestion du stress, des objectifs, des résultats et du sens des priorités, la recherche de performance, du bienêtre et la motivation.
On souffre tous !
Au démarrage, tous, on souffre, mais ça ne dure pas. Au démarrage du footing, on constate qu’il y a d’abord une période de douleur qui dure quelques minutes puis les effets positifs de la course à pied se font sentir. Le coureur dit même percevoir une sensation de bien-être. Et pourtant, difficile voire impossible pour ceux qui ne pratiquent pas ce sport de l’associer au bonheur.
Les hormones pour récompense
Il n’est plus à prouver que le cerveau met en place un système de récompense lorsque vous courez. Le système nerveux central libère une hormone magique. Cette hormone c’est les endorphines. Ou autrement appelées les hormones du plaisir. Ce sont elles qui procurent la sensation de satisfaction.
Addiction (saine) ?!
Et si le coureur ressent aussi rapidement le besoin d’y retourner, c’est pour retrouver ces sensations agréables.
Des facteurs psychologiques et sociaux
Au-delà des stimulations physiques positives, l’assiduité des runners s’explique aussi par des bénéfices psychologiques. « Un runner, s’il est bien dans ses baskets, est aussi bien dans sa tête. »
La fierté et l’accomplissement.
De retour à la maison ou mieux encore après avoir franchi la ligne d’arrivée d’une course à laquelle on s’est inscrit depuis des mois, le runner est tellement content de lui… La réussite d’un examen ne procurerait même pas mieux. C’est un moteur formidable que de se sentir aussi fier de soi.
L’évasion
Vous voyez cet individu qui pèche et qui remet à l’eau chacun des poissons qu’il lève ? Quel bénéfice ? Pourquoi le fait-il ? Que gagne-t-il dans l’esprit ? C’est la même chose en course à pied, il y a la même valeur méditative. Avec une dimension supplémentaire que lorsqu’on court, ce moment avec soi-même nous fait encore mieux entendre ce que notre corps a à nous dire…
L’appartenance
S’ajoute un autre facteur. Un facteur social ou sociétal. En effet, pour ceux qui courent en couple ou en groupe : Il y a tout un phénomène de sociabilité qui inscrit le coureur dans l’appartenance. Le running à plusieurs faits appartenir le coureur à une tribu. Une fois qu’il a trouvé sa place dans le cercle de sportifs, il ne veut plus en sortir. Un moyen de rester motivé, sans pour autant en faire trop.
Bon alors pourquoi ?
Toute question n’a pas sa réponse ! Parfois la frivolité est à son comble. On court et c’est peut-être aussi sans raison. Simplement pour se sentir vivant, relié au monde, à la nuit qui tombe, au froid que l’on sent sur la peau, à la sueur qui inonde les yeux et brûle, à la fatigue qui s’incruste dans le corps. Mais alors pourquoi fait-on cela ? On ne saurait pas toujours quoi en dire. Vous avez le droit : la course est aussi sans pourquoi…